Greyscale / ToolsGalerie 2007

Amateurs d’objets bavards s’abstenir ! Sans forcer le regard, le travail de Jean-François Dingjian et Éloi Chafaï, alias Normal Studio, offre une expérience de l’ordinaire. Cette première exposition à la ToolsGalerie est d’ailleurs l’occasion pour eux de faire la démonstration d’un design sans afféterie, qui s’attache à la notion de simplicité. Le duo explore ainsi l’évidence d’une logique constructive élémentaire, presque archaïque, les tasseaux, à travers un mobilier qui prend pour modèle de référence la caisse. De fait, les fonctions sont immédiatement identifiables : la bibliothèque ressemble à une bibliothèque et le semainier à un semainier. Tout comme l’enfilade ressemble à une enfilade, et l’assise à une assise. Idem pour la lampe. Jean-François Dingjian et Éloi Chafaï s’approchent de l’archétype basique sans le revendiquer. Ils ont l’exigence de ceux qui dessinent avec une gomme. La contrainte les stimule. Dit de cette manière, le propos pourrait paraître abrupt, ou le résultat indigent. Or il n’en est rien. Cette réduction à l’essentiel force à l’attention aux détails. Ce qui est donné à voir est le fruit d’une approche toute en nuances. Les subtilités de l’assemblage mettent en exergue la clarté d’une pensée entièrement tournée vers l’usage. L’ensemble de la collection explore différentes valeurs de noir et d’anthracite à partir d’un bois classique, le chêne, qui est brossé ou sablé, puis teinté et vernis pour l’occasion. L’enfilade se distingue des autres meubles par sa finition « bois métallisé ». Une très fine couche d’étain, polie et ensuite cirée donne à la veinure du bois, un étrange reflet argenté. Surprise : une laque vert cru envahit l’intérieur. C’est la seule concession à la couleur. Collectionneurs de matériaux, observateurs des processus techniques et coutumiers des transferts de technologie, Jean-François Dingjian et Éloi Chafaï opèrent une veille constante qui nourrit leur production. La préparation de cette exposition a en outre été pour eux un temps d’expérimentation. Ainsi en est-il de la mise au point, pour le tabouret, d’un curieux capitonnage noir provoqué par l’engommage de plastique d’une feuille de métal perforé. Les deux luminaires - une applique et un lampadaire - quant à eux, détournent à leur profit les qualités des réflecteurs utilisés dans les studios de photo. Chaque réflecteur est doté d’un puissant aimant qui permet de l’orienter à volonté et/ou de le déplacer le long d’un mât central ou de plaques en métal. Du pur re-design tel que l’entendait le génial Achille Castiglioni. Rien d’« extra-ordinaire » donc, au sens de « qui sort de l’ordinaire », si ce n’est une intelligence de la mise en œuvre des matériaux et des techniques au service du projet. Ce sont des pièces simples, normales, qui ont une qualité d’exception.

Laurence Salmon